Dans cette rubrique, vous trouverez mes lipogrammes que j'ajouterai au fur et à mesure que je les écris. Certains d'entre vous se demandent peut-être : "Mais qu'est-ce donc un lipogramme ?" Il s'agit d'un procédé stylistique inventé par l'OuLiPo, consistant à rédiger un texte en s'interdisant l'usage d'une lettre donnée (ou plusieurs) de l'alphabet. L'illustration type de ce procédé est le roman La disparition de Georges Perec, livre de trois cent pages dans lequel n'apparaît pas la lettre e. L'on peut évidemment écrire des lipogrammes autres que ceux en e, mais l'exercice de style consistant à ne pas utiliser la lettre la plus fréquente dans la langue française est de loin le plus excitant et le plus ludique. C'est donc tout naturellement que je vous soumets mes lipogrammes en e, mais pas uniquement, puisque vous trouverez aussi sur cette page des textes écrits avec d'autres contraintes (bivocalismes, acrostiches, alexandrins, etc.)
Lipogrammes en e
Collation gastro
Parfois fumants, parfois suintants, pour
la plupart bruyants. Ahhh air lancinant autant qu'odorant, qui fait la liaison
du convivial au trivial. "A fart" fait l'albion. "Das Furz"
fait un consanguin du Rhin. Là où un français, lui, dira
: "praaaat". Pas banal ! Mais voilà. Anal. Ainsi onomatopa
l'ami coq. Par provocation ? Non. Pour un pas vilain plaisir olfactif. Plaisir
pour lui, plaisir aux copains aussi. Car un poil coco l'animal.
L'agora y goûta, sniffa, savoura, puis voulut plus. Toujours plus. Un
gaulois, voyons ! Un forçat du gras mais aussi du coulant...stop? Là
?? Naaaan. Pas vrai !? Ok ! Ok ! fit l'coquard. La saga s'annonça,
tout doux d'abord. Puis s'amplifia. Fanfaron, va ! Mais soudain, un fracas
! Car il poussait. Trop loin, trop fort, abus. Français ou pas, son
slip morfla. Caca au cul. Pas fin, pour sûr, mais un plat aux haricots
toujours ainsi finit !
La java
Invitons trois ou cinq amis, un ou six lurons, pourquoi pas huit ou dix fanfarons. Un clown ? Soit. Soyons fous, allons jusqu'au bout : trois plus cinq moins un rigolos (abondants plaisantins), un gros surplus d'individus tordus, du jambon à foison, moult cotillons. La boisson ? Allons-y ! Du Ricard (Girard, pastis du sud), du houblon (du nord, du long du Rhin - alsaco ! - , du chti, du wallon, du flamand, du brabant...), un poil d'alcool à cinq fois dix-huit, du schnaps...ça suffira. J'oubliais : la Badoit ! Voilà. On y va ? Youpi ! Chansons, tambours, harmonicas, pianos, banjos, tous à fond ! Samba ! Sampa ! Taratatam ! Dzoing ! Dzoing ! Crions, dansons, buvons ! Insouciants, tant qu'on rit. Mais au matin ? Hin ? T'as fait dans l'abus ? On fait moins l'malin là hin ! Upsa jamais loin, Alka-"qui-nous-n'ignorons pas" par quintaux, lyophilisation du palais, poumons moisis (tabac ainsi qu'alcool, bravo !); pour finir, tuyau anal (aussi connu sous un nom : "colon") : foutu. Du coup, gros dodo. Mais alors un gros ! Stop la bamboula ! Suffit ! Un instant plus tard : jus aux fruits, soda au gaz, tout ça à ras du frigo. Glop glop glop. Rhaaa, trop bon. Alors, t'as vu quand t'as bu ? Amoral : la java, l'alcool, parfois, mais pas trop sinon ça finit ramolo.
La corruption
On l'a tous dit. A tout instant nous scandons : la corruption, ça craint ! Pourquoi ? Pas trois, ni cinq raisons : un million, un milliard. D'abord, tous nos politicards : pas un qui soit pas pourri. Fric, pognon, brozouf, ah ça oui, pour ça ils sont là ! Trafics, machinations, conspirations : jackpot ! Mais alors, pour la mission qu'ils ont à accomplir, nada. Plus là nos nantis administratifs. Disparus. Dissipation. Qui, à part ça, pouvons-nous aussi applaudir autant ? Nos grands patrons ? Clair ! Glissons six ou dix radis sous un comptoir pour nos amis à Matignon. Chuuuut. La population n'a pas vu. Puis, ainsi l'on dit : pas vu, pas pris. Un bon ramassis - purs salauds - qui va nous ravir nos instants, nos futurs. Si nous continuons ainsi, nos pays, nos nations, nos individus boirons un mauvais bol. Confiscation du capital humain. Attristant tout ça. Mais pourtant pas loin du fatal. Il nous faudrait du franc, du civil, du loyal. Du vrai. Pas du faux-cul costard, pas du mafiosi à col blanc. Nous avons trop vu, trop cru nos ploutocratiaux, rois du baratin. Raus ! Du balai ! On a dit cassos ! Laissons un horizon sain à nos suivants, luttons, battons-nous, pour un plus tard confiant, un atlas mondial plus joli, plus gai, sans occultations, sans trahisons. Un truc quasi-parfait quoi. Un paradis sur un gros caillou. Pour chacun, pour nous, pour tous.
Un Chat
Pas un chaton, non. Pas un lion non plus.
Pas plus un jaguar. Un animal normal au final. Un bon gros matou. Aussi gras
qu'un dauphin gourmand, idiot aussi (il paraît, mais pas si sûr...).
Un soir - non, la nuit plutôt, alors qu'il zonait autour du bungalow,
un putain d'chihuahua albinos, à l'iris carmin, aux poils drus, surgit
du fond d'un bistrot au coin du trottoir :
-Ho ! Qui va là ?
-Miaouw, fit l'abruti miaulant.
-Ok. Passons. Causons plutôt graillon. Dinons illico. Mais sans toi,
salopard.
-Miaouw, clama Alain (ainsi l'on surnommait minou)
Mini-cabot, alors, grogna. Pas plaisantin du tout toutou ! Ouh la la ! Il
a l'air vilain ouafouaf !
Du chat, il voulait surtout l'affolant sandwich. Son lunch, son brunch, tout
ça ! Mais voilà : that cat (il fut anglais durant cinq ans)
avait au moins dix, quasi dix-huit kilos qu'un nain aboyant (qu'on surnommait
lui Rox, mais pas l'ami à Rouki) n'avait pas. Si l'angora gras lui
balançait un fichu coup sur son groin au cabot ? Dans un coin - au
vol s'il vous plait ! l'inamical chiot rikiki. Futur clair donc : baston il
allait y avoir ! Ni trois ni cinq, ça frita. Alain (oui, son substantif
à lui, au chat) lui latta son minois, lui lâcha un pain puissant,
puis, pour finir, un gros coup dans son bidon. Applati l'amaigri toutou-à-sa-maman,
avachi au sol, mort.
Faut pas vouloir par appropriation ou par larcin un sandwich d'un mistigri
dodu, surtout quand on a l'air d'un cafard bon qu'à glapir qu'on rationnait
au nonos maigrichon.
Ainsi, Alain continua son plaisant layon, bouffa sa ration, puis rota. Plaisir
du jabot garni au maxi. Pas si con l'ami, mais surtout costaud !
La loi du Murphy
On parla durant un gros instant d'agaçants
vilains hasards. Un gars pas si sympa, Murphy, paraît-il, aurait un
impact dans tout ça.
Quand un quidam choisit un mauvais lot pour son achat (matos bidon mort avant
utilisation, plus garanti), truc pas cool, qui a fait ça ? Lui ! Murphy
! Quasi-sûr !
Sinon, imaginons un signal clignotant passant cramoisi, toi assis dans ta
Corsa à ouïr un compact disc façon Pavarotti (R.I.P.).
Pas important, on y va ! Calcination, carbonisation du flambant carmin. Mais
au final ça craint un max : un flic poirotait au fond. Tu l'avais pas
vu. Pan, PV. Mais pourquoi ? Murphy, toujours ! Allons-y, continuons. On va
au bar-tabac. Acquisition d'un loisir (ou cinq dirons-nous plutôt) qui
fait jackpot : bingo, tac-o-tac, astro, loto, blackjack, tout ton pognon dans
ça. A la fin, nada. Pas chançard aujourd'hui. Toujours dû
au salopard là ? Murphy ? Oui !
Bon, ça suffit ainsi. On va lui arrondir son croupion au mignon ! Pif
! Paf ! Pouf ! Vlan, au tapis. Pas d'bol mon ami !
Murphy a cru un instant vrai qu'il fut malin, mais la loi du Talion a toujours
raison.
Un bon soir pour mourir
Y a-t-il un bon soir pour mourir ? Pas
si sûr. Qu'arriva-t-il alors à l'abhorrant maringouin piquant
(un quoi ? dico !) la nuit là ? D'abord bourdonnant autour d'humains
assoupis, il volait, taquinait, nonobstant un subtil parfum au citron qui
aurait dû avoir pour fin sa disparition. Son bourdon lancinant circulait
sans trop assourdir. Mais tout d'un coup, un poil trop fort, son bruit alarma
la tribu. Bon. Oublions. Dormons, il partira à coup sûr l'agaçant
cousin. Mais non, il n'avait point choisi l'abandon. L'animal volant insista.
Bzzz...bzz..zzzzzZZ. Autour du pavillon...Bzzz..zZZ....Bzzzz...
Insistant trop, il contraria Paul, l'un du clan humain. Ca allait mal finir
tout ça ! A trop vouloir la provocation, mosquito allait mourir. Son
but dans l'instant, non, mais son futur, oui. Paul, donc, prit son mocassin
puis battut à mort son contrariant copain. Il rigolait pas. L'action
continua ainsi à l'infini, jusqu'au soupir final du maringouin. Un
bon soir pour mourir, pas pour lui, non. Mais Paul lui fut plutôt ravi
du bilan. Il s'alita - Ô satisfaction ! - alors sous son drap, puis
savoura sa nuit. Un bon soir pour dormir.
L.S.D. story
Un produit dans l'absolu pas si nocif,
mais pas anodin non plus, sachons-la (oui, pourquoi pas ? pourquoi toujours
un masculin ?). Un savant bâlois fit un jour un don aux humains : un
produit hors du commun. Un produit qui inspira La Honda (ainsi qu'un bataillon
fourni : nos gais lurons, issus d'un squatt à San Francisco), mais
aussi Michaux. Ah non. Il fut pas plutôt cactus à la façon
d'Aldous, lui ? Bon, pas si important. Hofmann. Point. Un nom qui croisa Thimothy,
Cassady (alias Moriarty, l'ami à Jack), mais surtout, un gars (pas
d'affirmation quant à son nom ici, l'OuLiPo m'y a contraint) qui avait
fait un bouquin qui avait abouti à un film où Jack Nicholson
joua. Un nom qui incluait "Vol", "Nid", mais aussi "Coucou"...
"Plus loin" fut inscrit sur un bus fou aux tons fluos (la dayglo),
dont la smala qui y habitait vivait au grand jour. Au grand dam du tonton
Sam, impuissant, mais pas tant qu'il n'y paraissait. Car au maximum du Woodstock,
l'on traqua l'amour d'Hofmann : son L.S.D. ; jusqu'à sa disparition.
Timothy (qu'on citait plus haut), un prof qui apprit tout à Harvard
fut un chouia fautif dans tout ça. La raison, l'art, un absolu savoir,
tout ça succomba d'un vilain coup.
Ainsi fut. Du moins quasi. Car aujourd'hui toujours, d'accrocs individus,
nonobstant la loi, font la consommation du L.S.D. Pour l'hallucination mais
aussi pour la fusion dans un cosmos uni. Pour discourir franc : imitation
du shaman. Trip garanti, parfois mauvais, parfois bon. Pas dû au hasard,
mais à ta condition (ton moral), ainsi qu'à l'instant choisi
pour ton raid spatial. Pas pour tout un chacun donc, mais jouissif pour qui
vaincra son satan.
Bivocalisme en a+e
L'emblème régénéré : la lettre e
Ce caractère de lalphabet
très en verve en France, Perec en a parlé en le cachant. Cette
absence de « cercle pas fermé sachevant par sa barre centrale »,
cette lettre embarrassante effacée, crée leffet de textes
étranges et cependant achevés. Ejectée de mes textes
précédents, je me lâche en la mettant sans gène
dans ce paragraphe. Hélas, la fête est brève. Car ce « e »,
gravement écarté de par le passé, na à présent
dans ce fragment pas de semblable à la trappe ses frères
de sang ! - excepté la lettre démarrant lalphabet.
Par chance, cela nest pas réellement gênant, car lessence
et le sens restent. Cest même carrément éclatant.
En regard de cela, j'espère réellement étendre la démarche
et amener le langage dans ses extrêmes retranchements. Achever cette
tâche se présente tel le Graal, et je le prétends sans
réserve.
Tente également ta chance cher camarade, ce passe-temps très
agréable se présente à l'égal de ce régal
éternel : l'Eden.
Bivocalisme en e+i
Lhiver
Ici il gèle, et si le ciel le permet,
il neige. Les êtres, pleins de vie en été, séteignent,
se mettent en veille. Les insectes, les bipèdes, même les chiens
ne mettent le nez en ville. Le gris vernit les cités.
Décembre, rien de pire : des milliers de pelés emplis de frénésie
lèchent les vitrines, dépensent des crédits. Les ventes
grimpent en flèche...
Se refiler des présents le vingt-cinq, dinde et vin chez les riches,
rien chez les hères, misère.
Vient directement derrière, cette fête très prisée
: ciels détincelles, Mercedes incendiées, ivresse illimitée.
Festivités mitigées en vérité
Fini lhiver ? Nenni ! Le tintement des dépenses reprend directement
: remises en tête, les vitrines et les gibecières se vident,
les gens se remplissent d'effets divers.
Février : rien ne vit, lhiver sévit, temps difficiles.
Plein le nez de ce givre, de ce temps de déprime...
Lentement, ce trimestre détesté prend fin. Le printemps, si
désiré, se presse timidement. Les degrés reviennent...
Bref répit : l'hiver prend discrètement ses repères et
dresse en listes ses imminents délits. En effet, pervers, l'hiver récidive,
revient perpétrer ses crimes infiniment. Cercle de l'infinie tristesse.
Lipogramme en a+acrostiche+octosyllabe (phonétique)
Morpion
Mon
bel enfoiré, tu viens d'où ?
On s'est rencontré récemment
?
Rodeur des slips, t'es sûrement
fou
Pour orner mes poils sciemment
Impossible ! Prends du contre-poux
On rigole plus subitement !
Ne reviens plus horrible insecte !
Lipogramme en u+acrostiche+décasyllabe+mise en abîme
Lipogramme
La
rédaction de certains lipogrammes,
Il est vrai, fait
appel à cette fine lame.
Pire, parfois même
la hache, car sans pitié
On doit tailler
franchement dans lalphabet,
Grever les graphèmes
restants de labsence,
Ravir à nos
cobayes les mots, le sens.
Alambic nécessaire
: on doit narrer
Mais également
veiller à estropier,
Malaxer le texte
: en vrai, gros programme !
Et cela, sans le
moindre idéogramme.
Lipogramme en i+acrostiche+vers en alexandrin+rimes symétriques.
Mon cul sur la commode
Mes
très chers camarades, on raconta de vous,
On balança sans vergogne des emplacements
fous,
Nomma quelques personnages coupables de
postures,
Comme par exemple marcher sur un bout
de fémur,
User son jeans sur une selle de
motocyclette,
Lâcher une flatulence, du genre
sens ça, je pète!
Sûrement, on pourra encore donner
des exemples.
Un, ou même trente, de Strasbourg
à Brest à Etamples.
Rarement on verra mouvement beaucoup plus
obscène,
Le fameux, dont on raconta non sans une
gêne,
Avec prudence et détours (car pas
un exemple)
Comment datroces malotrus, chez
eux, dans leur temple,
Ont osé commettre un tel geste,
une telle boulette.
Manger son chat ? Lécher tendrement
sa cuvette ?
Mélanger schnaps et vodka ? Manger
ses ordures ?
Oh que non ! Carrément plus moche
que ça cest sûr !
Déposer son tromblon sur un meuble
âgé, par goût,
Et se vanter : Mon cul sur la commode,
youhou !